Effusivité

Sensation de chaud et de froid - Effusivité thermique

Sculpture Le Baiser de Rodin
Musée Rodin

Lorsqu’on pose la main sur une table en bois et sur une table en métal, toutes deux à la température ambiante, la table en métal paraît plus « froide » que la table en bois.

On se propose d’expliquer cette sensation d’une part à l’aide d’un modèle très simple d’autre part à l’aide de solutions de l’équation de diffusion.

On note \(\lambda_1\), \(\lambda_2\) les conductivités thermiques, \(D_1\), \(D_2\) les diffusivités thermiques et \(T_1(x,t)\), \(T_2(x,t)\) les températures respectivement dans la main et dans la table.

Les conditions initiales, à l’instant t = 0 où la main entre en contact avec la table sont :

  • \(T(x < 0, t=0) = T_{01} =\) 37 °C (main)
  • \(T(x > 0, t=0) = T_{02} =\) 17 °C (table)

1. Préliminaires

Rappeler les unités de λ et D.


2. Contact prolongé - Sensation de froid (difficulté *)

Modélisation :
    - évolution stationnaire ;
    - main et table d'épaisseurs voisines notée e (de l'ordre du cm).

2.a   Etablir les expressions de \(T_1(x,t)\) et \(T_2(x,t)\) en fonction de \(x, \, e, \, T_{01}, \, T_{02}\) et \(T_i\) la température à l'interface (inconnue à ce stade).

2.b   On suppose que la température est continue en x = 0 à partir de t < 0. Justifier la continuité de la densité de flux thermique \(j_Q(x, t)\) en x = 0 en appliquant le 1er principe à un élément de surface dS (d’épaisseur nulle) de l’interface.

2.c   En déduire \(T_i\).

2.d   A.N. \( \lambda_\textrm{main} = 10 \,\, \textrm{W} \, \textrm{m}^{-1} \, \textrm{K}^{-1} \), \( \lambda_\textrm{bois} = 1 \,\, \textrm{W} \, \textrm{m}^{-1} \, \textrm{K}^{-1} \), \( \lambda_\textrm{acier} = 100 \,\, \textrm{W} \, \textrm{m}^{-1} \, \textrm{K}^{-1} \).
Commenter.

2.e   e. Montrer que l’expression de \(T_i\) peut facilement être déterminée à l’aide d’une analogie électrique.

3. Contact bref - Notion d'effusivité (difficulté ** facultatif)

Modélisation :
    - évolution non stationnaire (étude dynamique);
    - la main est assimilée au demi-espace x < 0 (température \(T_1(x,t)\)) et la table au demi-espace x > 0 (température \(T_2(x,t)\)).

3.a   On montre que les solutions de l'équation de la chaleur sont de la forme :
\( T_1(x,t) = \alpha _1 + \beta _1\displaystyle\int\limits_0^{u_1} e^{-z^2}\textrm{d}z \)    où    \( u_1 = \displaystyle\frac{x}{2\sqrt{D_1 t}} \)
\( T_2(x,t) = \alpha _2 + \beta _2\displaystyle\int\limits_0^{u_2} e^{-z^2}\textrm{d}z \)    où    \( u_2 = \displaystyle\frac{x}{2\sqrt{D_2 t}} \)
On rappelle que \( \displaystyle\frac{\partial }{\partial x}\left( \int\limits_0^{u(x,t)} g(z)\textrm{d}z \right) = g\left( u(x,t) \right) \left( \frac{\partial u}{\partial x} \right)_t \) (dérivée composée).
Déterminer \(\alpha_1\), \(\beta_1\), \(\alpha_2\) et \(\beta_2\). On posera \( I = \displaystyle\int\limits_0^\infty e^{-z^2}\textrm{d}z \).

3.b   En déduire que la température de l’interface se met sous la forme \( T_i = \displaystyle\frac{E_1 T_{01} + E_2 T_{02}}{E_1 + E_2} \) où l’effusivité E est une caractéristique du milieu qu’on exprimera en fonction de D et λ.

3.c   A.N. : \(E_\textrm{main} = 10^3\) usi, \(E_\textrm{bois} = 10\) usi, \(E_\textrm{acier} = 10^4\) usi. Conclure.

3.d   En réalité, la main et la table ont une épaisseur finie e ≈ 1 cm. Montrer que le modèle des demi-espaces infinis reste valable si le contact est suffisamment bref et estimer la durée maximum de ce contact.

1. Question de cours
Pour retrouver les unités ou les dimensions d'une grandeur, il faut utiliser une relation (aussi simple que possible) dans laquelle elle est impliquée.

Loi de Fourier → λ en \( \textrm{W} \, \textrm{m}^{-1} \, \textrm{K}^{-1} \).
Equation pilote de la diffusion thermique → D en \( \textrm{m}^2 \, \textrm{s}^{-1} \).

2.a Faire un schéma annoté (main, table, épaisseur, axe du repère, températures).
On considère que la température du dessus de la main et du dessous de la table ne sont pas affectées par le contact.

Sculpture Le Baiser de Rodin

La résolution l'équation de diffusion en régime stationnaire dans chacun des deux milieux donne \(T_1(x) = a_1 x + b_1\) et \(T_2(x) = a_2 x + b_2\).
Conditions aux limites (cf. schéma) en régime stationnaire :

  • en x = 0 : \(T_1 (0) = T_2 (0) = T_i\)
  • en x = e : \(T_2 (e) = T_{02}\)
  • en x = -e : \(T_1 (-e) = T_{01}\)
Finalement : \(T_1(x) = - \displaystyle\frac{T_{01} - T_i}{e}x + T_i\)    et    \(T_2(x) = \displaystyle\frac{T_{02} - T_i}{e}x + T_i\)

2.b Question de cours

La continuité de la densité de flux thermique \(j_Q(x, t)\) en x = 0 résulte du 1er principe appliqué à un élément de surface dS (d’épaisseur nulle) de l’interface : \( \textrm{d}U = C\textrm{d}T = 0 \) car système de masse nulle (sans épaisseur) donc de capacité thermique nulle.
D'après le 1er principe \( \textrm{d}U=\delta W + \delta Q_x + \delta Q_{x+\textrm{d}x} \) et \( \delta W = 0 \) (volume du système nul).
D'où \( \delta Q = 0 \) avec \( \delta Q = \left( j_Q(0^-) - j_Q(0^+)\right) \textrm{d}S \textrm{d}t \).
On obtient donc bien la continuité de \(j_Q(x, t)\) en x = 0 car \( j_Q(0^-) = j_Q(0^+) \).

2.c Loi de Fourier avec les expressions de 2.a et continuité démontrée en 2.b

On calcule les densités de flux à l’aide de la loi de Fourier et des expressions des températures trouvées en 2.a.
L’égalité des densités de flux (indépendantes de x) conduit à : \( T_i = \displaystyle\frac{\lambda_\textrm{main}T_{01} + \lambda_\textrm{table}T_{02}} {\lambda _\textrm{main} + \lambda _\textrm{table}} \).

2.d A.N. en vue de valider ou non le modèle.

Avec le bois : \(T_i\) = 35,2 °C ≈ \(T_\textrm{main}\) . Avec le métal : \(T_i\) = 18,8 °C < \(T_\textrm{main}\) ce qui explique la sensation de fraîcheur.

2.e Utilisation de la résistance thermique

e. En régime stationnaire la notion de résistance thermique est licite. Les deux résistances thermiques sont en série (elles sont traversées par le même flux), la situation est donc analogue à un diviseur de tension : en électricité, on chercherait le potentiel intermédiaire connaissant les potentiels aux extrémités.
On a donc \(T_i - T_{01} = \displaystyle\frac{R_{Th1}}{R_{Th1} + R_{Th2}}\left( T_{02} - T_{01} \right)\).
On en déduit : \( T_i = \displaystyle\frac{\displaystyle\frac{T_{01}}{R_{Th1}} + \displaystyle\frac{T_{02}}{R_{Th2}}} {\displaystyle\frac{1}{R_{Th1}} + \displaystyle\frac{1}{R_{Th2}}} \) où \( R_{Th} = \displaystyle\frac{e}{\lambda S} \)
Rq : si on sait l'utiliser, le théorème de Millman est encore plus rapide.

3.a Conditions aux limites et conditions initiales

Conditions aux limites en x = 0 à tout instant :
- la continuité de la température s'écrit   \(T_1(0,t) = T_2(0,t) = T_i\)   or en x = 0   \(u_1(0,t) = u_2(0,t) = 0\)   d'où   \( \alpha_1 = \alpha_2 = T_i \).
- la continuité de \(j_Q\) s'écrit   \(j_{Q_1}(0,t) = j_{Q_2}(0,t)\)   et   \( j_Q = - \lambda \displaystyle\frac{\partial T}{\partial x} = - \lambda \frac{\beta}{2\sqrt{Dt}}{e^{-\frac{x^2}{2Dt}}} \)   d'où   \( \displaystyle\frac{\lambda _1 \beta _1}{\sqrt{D_1}} = \frac{\lambda _2 \beta _2}{\sqrt{D_2}} \).

Conditions initiales :
A t = 0, les températures sont uniformes dans la table et dans la main :   \(T_2(x, 0) = T_{02}\)   (même température dans la table en tout point à t = 0) et   \(T_1(x, 0) = T_{01}\).
Or à t = 0,   \(u_2(x,0) \rightarrow \infty\)   d’où   \(T_2(x, 0) = \alpha_2 + \beta_2 I\).
Attention, à t = 0,   \(T_1(x, 0) = \alpha_1 - \beta_1 I\)   car   \(u_1(x,0) \rightarrow - \infty\) puisque x < 0 dans la zone de définition de \(T_1\).
On en déduit : \( \beta _1 = \displaystyle\frac{T_i - T_{01}}{I} \) et \( \beta _2 = \displaystyle\frac{T_{02} - T_i}{I} \).

3.b Elimination de I

En injectant les expressions de \(\beta_1\) et \(\beta_2\) dans la relation issue de la continuité de \(j_Q\) :  \( T_i = \displaystyle\frac{E_1 T_{01} + E_2 T_{02}}{E_1 + E_2} \)   où l'effusivité est   \(E = \displaystyle\frac{\lambda}{\sqrt D} = \sqrt{\lambda \mu c} \).

3.c A.N. en vue de valider ou non le modèle.

\(T_i\) (bois) = 36,8 °C ≈ 37 °C : aucune sensation de froid.
\(T_i\) (acier) = 18,8 °C ≪ \(T_\textrm{main}\) : sensation de froid très nette (proche du modèle précédent).
Dans ce modèle, c’est ma quantité \(E = \displaystyle\frac{\lambda}{\sqrt D} = \sqrt{\lambda \mu c}\) qui détermine la température d’équilibre de l’interface et plus seulement la conductivité λ.

3.d Critique du modèle (1/2 espaces infinis)

Ce modèle reste valable dans le cas où les épaisseurs de la table et de la main sont finies si δ (profondeur de pénétration) ≪ e à un instant donné (cohérent avec l’hypothèse du contact bref).